PARTAGE D'HISTOIRE

Journal de bord sur ma place médecine 11/02/2021

« Ce matin-là, je m’assois à ma place médecine. Le pin qui siège à cet endroit est devenu un compagnon et j'aime admirer ses écorces ferrugineuses, ses petites aiguilles bleues et son port gentillement tordu. Le sol humide est couvert d'aiguilles rousses et quelques vieux pieds de lavande encore fanés de l'hiver émanent, si l'on s'y frotte, le doux parfum de nos montagnes.

Un air frais qui vient du bas de la vallée me caresse la joue, tandis que le soleil au-dessus des crêtes me chauffe l'autre avec délice. Mes pieds trop serrés dans mes chaussures sont glacés et me piquent, ma langue a encore le goût sucré de la pomme. Un souffle léger fait frotter les branchages du dessus.

Là-bas, tout en bas, la rivière chante et rigole doucement. Quelques voix humaines sont reconnaissables au hameau, une voiture démarre...

Puis après un moment, un chant d’oiseau, c'est la mésange huppée et son trille singulier, et puis d’autres chants furtifs plus bas, une nonette, et une bleue semble-t-il. A ma droite, à quelques dizaines de mètres, ça répond par des chants plus vifs et plus aigus.

Le vent souffle tout à coup. Les oiseaux s’animent alors de sons puissants, criant et sifflant tout proche de moi.. Une tension raidit mon corps comme une tige de fer, le temps s'arrête tout à coup !?

J’ouvre mes yeux plus grands, quelque chose semble advenir. Puis d’un coup, tel un sabre tranchant, un silence de plomb s’abat autour de moi comme si un triste malheur tombait … et là, à dix mètres de moi, une silouhette encore inconnue se pose avec éloquence sur la cime d’un jeune pin noir. Plus rien d'autre n'existe à cet instant, j'oublie de respirer, seuls mes yeux sont en vie. Toute ma vigilance gît à cet endroit, le spectacle me captive sans relâche.

Le ventre est clair et strié finement de bandes noires, l'oeil parait jaune et la taille de cet ailé est plus importante que n'importe quel passerau. Je l’observe encore et ne veux manquer aucun détail … Il semble lui aussi m’observer. Je le devine et je reste figé pour ne rien perdre de l'instant.

Puis déjà, sans annonce, le temps reprend et le prédateur au bec crochu tourne sa tête à droite, à gauche avant de prendre son envol en quelques battements. Je tourne ma tête pour le suivre du regard, ses ailes déployées sont larges et blanches en dessous. C’est lui ! Enfin ! Son vol ne peut être que celui de ce rapace tant attendu. Il est donc bien existant aujourd'hui dans mon paysage. Wouahou quelle rencontre et quelle joie ! »

Météo : air froid, ciel bleu et soleil qui réchauffe. Gratitude pour l’épervier d’Europe (femelle).